samedi 8 juin 2013

Expérience

Pour savoir si ton téléphone est waterproof, laisse le donc sur la table du jardin toute la journée un jour d'orage.

Et tu verras que, très probablement, la réponse, c'est non...


dimanche 2 juin 2013

Mon Papy Albert


Je me souviens du jour où je lui ai hurlé "tu me fais chier". J'avais 10 ans, je jouais à la secrétaire sur une vieille machine à écrire et il lisait derrière mon épaule et disait que je faisais n'importe quoi.

Je me souviens des drôles de bâtonnets en chenille de couleur qu'il utilisait pour nettoyer sa pipe.

Je me souviens qu'il était fier d'aller chez le coiffeur, même s'il n'avait plus de cheveux.

Je me souviens qu'il regardait le rugby tous les samedis après-midi chez mes parents.

Je me souviens qu'il fumait des clopes en douce dans la cave alors qu'il avait arrêté de fumé depuis des années.

Je me souviens de sa R5 blanche. Et puis aussi de sa Renault 6.

Je me souviens des mini-mars qu'il cachait dans l'armoire qui grince dans la cave. Et des treets aussi.

Je me souviens qu'il courrait tous les jours à l'hippodrome du petit port.

Je me souviens qu'il mangeait du pollen à la petite cuillère.

Je me souviens que je lui mettais des bigoudis en plastique sur ses rares cheveux et qu'il me donnait 5 francs.

Je me souviens qu'il m'avait dit que la résine des cerisiers, c'était l'ancêtre du chewing gum.

Je me souviens qu'il me montrait le martinet pour me faire peur.

Je me souviens du jour où il a eu ses appareils dans les oreilles : lui qui avait crié toute sa vie, il s'est mis à chuchoter.

Je me souviens qu'à tous les repas de Noël, il menaçait d'enlever son dentier pour nous faire hurler. Et il chantait le maître à bord.

Je me souviens qu'il adorait emmerder ma grand-mère.

Je me souviens des ses marcels et de ses slips géants qui séchaient sur le fil à linge.

Je me souviens qu'il pestait tous les ans contre le grand chêne qui perdait ses feuilles, tous les ans à la même époque.

Je me souviens du son de la tondeuse à rouleau qu'il passait chaque semaine sur l'herbe.

Je me souviens que le parterre principal de la maison forme un grand R, comme la première lettre de son nom. Et de celui de son père qui a fait construire cette maison.

Je me souviens que son père était gendarme à cheval. Et très sévère.

Je me souviens qu'il fallait faire gaffe à ses accès de colère : une fois, il avait cassé un pain de 2 livres sur la tête de mon oncle.

Je me souviens aussi que quand ma mère est tombée du perron, il a passé des heures à rééduquer sa main.

Je me souviens qu'il a travaillé au tri pendant la guerre avec Réné Guy Cadou.

Je me souviens qu'il a été capturé lors d'une rafle et envoyé en Allemagne. Puis libéré grâce à ma grand mère qui avait fait le pied de grue à la commandanture enceinte de 8 mois à 20 ans.

Je me souviens qu'il a fait le maquis de Saffré.

Je me souviens qu'il n’était pas là quand ma tante est née, qu'il n'était pas là quand les jumelles sont mortes, qu'il ne les a d'ailleurs jamais vues, mais qu'il était là quand ma mère est née. Je crois que c'était sa préférée.

Je me souviens qu'il détestait les tomates, jusqu'à ce qu'il les aime, à 50 ans.

Je me souviens qu'il avait toujours des baskets de marque, un peu bling bling.

Je me souviens qu'il chaussait au moins du 45.

Je me souviens qu'il aimait les vêtements rouges.

Je me souviens qu'il adorait faire des affaires à la "foire aux affaires".

Je me souviens qu'il portait toujours ceinture et bretelles, on ne sait jamais.

Je me souviens du jour où il a appelé ma cousine l'ingénieur et moi l'imbécile.

Je me souviens des biffetons de 20 qu'il me donnait quand je le voyais les WE, pour acheter des trucs aux gosses.

Je me souviens que les mercredis midis, il mangeait la viande dans l'assiette de ma sœur, qui détestait ça, quand ma mamie avait le dos tourné.

Je me souviens d'une fondue où il n'a pas pu attendre que l'huile chauffe; il a mangé tous les morceaux de viande crus avant.

Je me souviens qu'il a passé son bac, l'a raté et a dû travailler pour apporter des sous dans sa famille.

Je me souviens qu'il avait ses douleurs à la tête à cause d'un éclat d'obus. En fait, il était migraineux, comme moi. 

Je me souviens qu'il ne m'a jamais jugée.

Je me souviens qu'il se dorait au soleil, sur le perron, torse nu, sa croix celtique en argent brillant sur son torse.

Je me souviens qu'il voyageait toujours avec Terrien et qu'il filait des pourboires dignes des PIB des pays qu'il visitait aux guides.

Je me souviens de ses mains, larges, aux ongles carrés.

Je me souviens de ses yeux verts.

Je me souviens que j'aimais respirer en douce dans sa pipe froide en bois.

Je me souviens qu'il fallait que les franges du tapis du salon soient coiffées.

je me souviens de son secrétaire : il grinçait, j'avais pas le droit d'y toucher et il y avait plein de papiers et d'objets dedans. La tentation incarnée à lui tout seul.

Je me souviens quand il a fait refaire la tapisserie de l'entrée.

Je me souviens qu'il briquait les cuivres et qu'il fallait marcher sur les patins parce qu'il avait ciré.

Je me souviens des poils dans ses oreilles.

Je me souviens que la porte sur la rue devait être fermée avec un cadenas.

Je me souviens qu'il buvait de l'évian, mangeait sans sel, et a mis du Pétrole Hann sur son crane toute sa vie.

Je me souviens du jour où il a fait un arrêt cardiaque au volant de sa twingo rouge.

Je me souviens quand il m'a dit que Daphné était un prénom élégant. Et celui d'un célèbre écrivain.

Je me souviens comme l'assurance et l'aplomb de Maé le faisait sourire.

Je me souviens de la dernier fois qu'il a souri; c'était quand j'ai raconté que j'étais allergique au pinard.



Je suis sure que quand je penserai à lui, maintenant qu'il est mort, d'autres souvenirs me reviendront.



Alors je viendrai les noter ici.