samedi 21 février 2015

Plus que voir

Quand j'étais petite, on allait de temps temps déjeuner avec mes parents chez leurs amis.

Je détestais ça.

C'était pour moi un long après-midi d'ennui. Les parents discutaient, ripaillaient, buvaient du bon vin, et les enfants attendaient que ça se passe. Enfin surtout moi, qui n'avait pas d'enfant de mon âge avec qui jouer.

Je n'aimais pas l'arrogance de certains adultes envers les enfants, je n’aimais pas les deux garçons, plus grands que moi, qui se moquaient de moi. Je n'aimais pas ce que je ressentais comme une obligation de faire bonne figure, alors que je sentais que bien des choses ne collaient pas. Je n'aimais pas la tension qui montait au fur et à mesure que le repas se déroulait.

Une pure perte de temps où il fallait s'occuper. Et laisser les grands tranquilles.

Une corvée.

Lorsque les amis se sont éloignés, lorsque les repas se sont espacés jusqu'à s'arrêter, cette corvée ne m'a pas manquée.

A part l'ennui et les tensions de fin de repas, quand je repense à ces dimanches, je revois très nettement le visage d'une des femmes.

Je le revois bleu, vert, mauve et jaune.

Bien des années après, nous avons appris avec stupeur que le mari était violent. Qu'il était jaloux. Qu'il battait sa femme de retour chez lui. Surtout après ces repas bien arrosés.

Nous n'en n'avons jamais rien su.

Mais moi, je crois que je l'avais senti, du haut de mes huit ans.



3 commentaires:

Agnès a dit…

Les enfants sont des éponges, doués d'un sixième sens !

Anne a dit…

Oui... Je me souviens d'un homme, jovial, qui me hérissait. Qui je l'ai su beaucoup plus tard, violait ses enfants...

Daphnénuphar a dit…

@ agnès : oui, souvent.

@ anne : l'horreur.